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Analyse juridique des litiges 2020

Du fait de la crise sanitaire, une grande partie de nos litiges concerne l’annulation d’un voyage à forfait (II) ou l’annulation d’un vol sec (II). Le reste des différends touche à des domaines variés du droit de la consommation (III).

  1. Généralités sur le droit de la consommation

Le droit de la consommation est applicable uniquement dans les relations entre professionnel et consommateur. C’est l’article liminaire du Code de la consommation qui définit ces deux notions. Le consommateur est une personne quoi n’agit pas à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle, tandis que le professionnel agit à des fins professionnelles (activités artisanales, agricoles, commerciales, libérales).

Lorsque le différend porte sur un bien non conforme ou qui présente un défaut il faut se reporter aux articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation. Pour aider nos adhérents à mettre en œuvre cette garantie, il faut connaître son régime. D’abord, la conformité peut et doit s’apprécier par rapport aux stipulations du contrat. L’article L. 217-5 indique d’autres moyens d’apprécier la conformité au contrat (par exemple le bien doit être propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable. La notion clé est la présomption d’antériorité du défaut prévue à l’article L.217-7. Selon cette disposition, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de 24 mois à compter de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance. Or, le vendeur doit répondre des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Cela signifie que pendant deux ans après la réception du bien les défauts qui apparaissent sont présumés avoir existé au moment de la délivrance et engagent donc la responsabilité du vendeur. C’est à lui qu’il revient de prouver que le défaut n’existait pas lors de la remise du bien. Ce délai de deux ans ne vaut que pour les biens neufs, pour les biens d’occasion ce délai est raccourci à 6 mois.

À côté de cette garantie légale qui est relative à l’exécution des contrats, un droit important pour nos adhérents est le droit de rétractation prévu par l’article L. 221-18 du Code de la consommation qui permet de retirer le consentement donné. Un tel droit de rétractation n’existe que dans les contrats conclus à distance ou à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement.

  1. L’annulation d’un voyage

La loi distingue selon que l’annulation porte sur un voyage à forfait (a) ou sur un vol dit « sec » (b).

  1. L’annulation d’un voyage à forfait

 

Article L. 212-2 du Code du tourisme

Constitue un forfait touristique la prestation :

1° Résultant de la combinaison préalable d'au moins deux opérations portant respectivement sur le transport, le logement ou d'autres services touristiques non accessoires au transport ou au logement et représentant une part significative dans le forfait ;

2° Dépassant vingt-quatre heures ou incluant une nuitée ;

3° Vendue ou offerte à la vente à un prix tout compris.

Un forfait touristique est constitué de la combinaison d’au moins deux prestations différentes. Cela correspond généralement à la réservation d’un séjour comprenant un vol et un hébergement. Une croisière est également considérée comme relevant d’un voyage à forfait. Avant la crise sanitaire, l’annulation d’un voyage à forfait emportait immédiatement le remboursement de la totalité des sommes versées au titre de ce voyage. Pour répondre aux enjeux économiques liés à la crise du COVID 19, le gouvernement a passé une ordonnance le 25 mars 2020 qui remet en question ce remboursement systématique.

  1. Les conditions d’application de l’ordonnance

L’ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020 a seulement deux conditions d’application selon son premier article. Elle s’applique à la résolution des contrats lorsque celle-ci est notifiée entre le 1er mars et le 15 septembre 2020. Juridiquement, la résolution met fin au contrat selon l’article 1229 du Code civil.

Pour respecter ce critère il suffit de notifier une annulation dans ces délais, annulation qui peut émaner du client comme du professionnel. La seconde et dernière condition tient en la nature du contrat considéré. L’ordonnance s’applique notamment aux contrats de voyage à forfaits tels qu’ils sont définis par le Code du tourisme.

Ce sont les deux seuls critères qui emportent l’application de cette ordonnance, et nos adhérents doivent être vigilants sur ce point. Nous avons des litiges dans lesquels les professionnels profitent de l’ignorance des consommateurs et leur font croire que l’ordonnance peut ne pas s’appliquer lorsque le consommateur ne justifie pas d’une circonstance imprévisible et irrésistible qui l’empêche d’exécuter le contrat. Ainsi, peu importe la raison pour laquelle la prestation est annulée, dès lors que l’annulation est faite entre le 1er mars et le 15 septembre 2020 et qu’elle porte sur un voyage à forfait, alors l’ordonnance est applicable.

  1. Les solutions retenues par l’ordonnance

Cette ordonnance permet aux professionnels de déroger aux dispositions du Code du tourisme qui, en temps normal, les oblige à rembourser intégralement la prestation annulée. En l’occurrence, l’ordonnance autorise les professionnels à fournir un avoir d’un montant égal à l’intégralité des paiements effectués. Ici encore, nos adhérents doivent être avertis que le montant de l’avoir est équivalent au montant qu’ils ont versé au titre de la prestation. Certains professionnels tentent de faire valoir leurs conditions générales pour retenir des pénalités d’annulation ou des frais supplémentaire. Cette pratique est illégale, car l’ordonnance ne leur permet en aucun cas de retenir des frais sur ce remboursement, et elle prévaut sur leurs conditions générales.

Une fois l’avoir délivré, le professionnel est tenu de proposer au client une prestation équivalente à celle qui a été annulée, afin de mettre le consommateur dans la situation de pouvoir utiliser son avoir.

Un remboursement reste possible au titre de cette ordonnance, mais il est repoussé à une date ultérieure. L’avoir délivré doit être valable pour une durée de 18 mois. Le point VII de l’article 1 de l’ordonnance prévoit qu’à l’issue de la période de validité de l’avoir, le professionnel est tenu de rembourser au consommateur le montant de l’avoir.

En conclusion, en cas d’annulation d’un voyage qui entre dans le cadre de cette ordonnance, le consommateur bénéficie d’un avoir valable 18 mois et d’un montant équivalent aux sommes versées. Si cet avoir n’est pas utilisé, à la fin de la période de validité de l’avoir de 18 mois, le consommateur peut demander un remboursement en numéraire. Plusieurs dossiers ont pu être réglés par un simple envoi d’un courrier recommandé AR en mettant en demeure le voyagiste de fournir un avoir au titre de l’ordonnance de mars 2020.

  1. L’annulation d’un vol sec

Le règlement européen n°261/2004 encadre les annulations des contrats portant uniquement sur un vol sec, qui n’est pas attaché à une autre prestation. Ce règlement s’applique dès lors que l’aéroport de départ ou d’arrivée est situé dans un pays membres de l’Union européenne selon l’article 3.

En cas d’annulation d’un vol par le transporteur aérien l’article 5 du règlement prévoit que les passagers se voient offrir une assistance, conformément aux modalités prévues à l’article 8. Cet article 8 prévoit qu’en cas d’annulation le passager doit se voir offrir le remboursement du billet au prix auquel il a été acheté.

En cas d’annulation d’un vol sec, le consommateur a donc systématiquement droit à un remboursement. En pratique, il faut conseiller à nos adhérents de passer directement par les compagnies aériennes et d’éviter les agences de voyage lorsqu’ils réservent uniquement des vols. De nombreux différends peuvent naître lorsque la compagnie aérienne a procédé au remboursement des billets auprès de l’agence de voyage et que cette dernière tarde ou n’effectue pas le remboursement. Nous avons en ce moment de nombreux dossiers qui n’avancent pas car l’agence de voyage refuse tout remboursement.

 

  1. Les autres différends récurrents

Nos adhérents rencontrent de nombreux litiges avec leur banque en matière de paiements non autorisés (a). Les litiges avec les garagistes (b) et les entreprises ou artisans du BTP (c) reviennent souvent.

  1. Les paiements frauduleux

Les banques sont soumises à une règlementation très contraignante en matière de remboursement des paiements frauduleux. Elles essaient bien souvent de jouer sur la méconnaissance des textes par les consommateurs.

Article L. 133-18 du Code Monétaire et financier (Ordonnance n°2017-1252 du 9 août 2017) En cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu.

Selon ce texte, seule la fraude commise par l’utilisateur de la carte bleue peut conduire au refus du remboursement. La jurisprudence y a ajouté les cas de faute lourde de la part de l’utilisateur. Dans cette situation, la banque doit justifier son refus, car la charge de la preuve repose sur elle.

Article L. 133-23 du Code Monétaire et financier (Ordonnance n°2017-1252 du 9 août 2017) Lorsqu'un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l'opération de paiement n'a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

L'utilisation de l'instrument de paiement telle qu'enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l'opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d'initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l'utilisateur de services de paiement.

Il résulte de l’article L. 133-23 du Comofi reproduit ci-dessus que c’est à la banque de prouver que l’opération a bien été authentifiée. A contrario, c’est donc à l’établissement bancaire de prouver qu’une fraude ou une négligence grave est à l’origine du paiement non autorisé. La jurisprudence montre que les cas de faute lourdes sont admis strictement, la banque doit pouvoir être dans la possibilité de prouver que la faute lourde a directement conduit à l’utilisation frauduleuse du moyen de paiement.

Enfin il est intéressant de noter que l’article L. 133-8 du Code monétaire et financier prévoit que l’utilisateur de la carte « ne peut révoquer un ordre de paiement une fois qu'il a été reçu par le prestataire de services de paiement ». Cela signifie que si un adhérent paie une prestation en ligne et veut se raviser ensuite, il ne peut pas faire opposition à sa carte bleue pour bloquer les prélèvements futurs. Son consentement à l’opération étant irrévocable, l’opposition à la carte bleue n’a pas vocation à jouer comme un droit de rétractation.

En pratique, lorsque la banque ne justifie pas son refus même après des recommandés, on peut conseiller à nos adhérents de saisir le médiateur auprès de la banque en question. Si les sommes en jeux sont très élevées, on peut leur conseiller une voie contentieuse.

Les obligations des garagistes en matière d’entretien et de réparation du véhicule découlent essentiellement de la jurisprudence qui considère que ce professionnel est soumis à une obligation de résultat. Dans le cadre d’une réparation ou d’un entretien, il doit donc atteindre l’objectif poursuivi. À défaut il engage sa responsabilité contractuelle pour inexécution au sens des articles 1231 et suivants du Code civil.

S’agissant de la vente d’un véhicule les problèmes qui surviennent sont, pour l’essentiel, relatifs à la garantie légale de conformité ou à la garantie des vices cachés.

 

  1. Les litiges avec des entrepreneurs ou artisans

Nos adhérents rencontrent de nombreux problèmes avec des entrepreneurs, notamment dans le cadre de travaux à effectuer à leur domicile ou de la construction d’une maison individuelle. Afin de s’assurer d’obtenir réparation en cas de différend, en cas de travaux conséquents il faut systématiquement exiger que l’entrepreneur fournisse une attestation de garantie décennale. Cette garantie court à compter de la réception de l’ouvrage et ce pour une durée de 10 ans. Cette attestation fournie par l’entrepreneur fait figurer ses coordonnées, son numéro de contrat et atteste du fait que l’assurance décennale a bien été souscrite. Le fait de fournir une telle attestation est une obligation légale. L’utilité concrète d’une telle attestation est qu’en cas de litige, si l’entrepreneur ne peut ou ne veut pas réparer les malfaçons couvertes par la garantie décennale, alors il est possible de demander réparation directement auprès de son assureur qui exigera certaines informations figurant sur l’attestation de garantie décennale.

Pour prévenir les difficultés futures, nos adhérents doivent aussi être fermes à propos des acomptes. La loi n’encadre pas le montant de ces acomptes, si bien qu’un professionnel peut tout à fait proposer un montant beaucoup trop élevé en guise d’acompte. Les consommateurs doivent savoir que rien ne les oblige à accepter un acompte trop élevé, et qu’il peut être utile de faire jouer la concurrence dans un tel cas.